Les Cicatrices






© atraxies

Témoignage :

Cela fait maintenant dix ans que je me gratte à cet endroit. Une sorte habitude que j'ai prise et qu'on s'est permis de juger. Bien qu'elle me prenne énormément de temps et d'énergie, ce sont les commentaires réprobateurs et les regards de travers qui ont créé ce complexe. C'est, je l'ai compris il y a peu, un moyen instinctif de palier l'anxiété. Je sais que ce n'est pas le meilleur, mais c'est celui que j'ai intuitivement trouvé. Petite, des griffures, du sang et des croutes couvraient mes bras. Mes proches me blâmaient : "Tu ne seras pas une femme élégante si tu continues à faire ça." En réalité, l'entourage, bien que pensant favoriser la résolution de ce trouble, ne fait que l'entretenir. Les commentaires désapprobateurs et les moqueries incitant à la honte sont précisément la source de ce complexe. La curiosité déplacée et le dévisagement de mes camarades d'une douzaine d'années ont instauré un malaise en moi : "C'est bizarre ce que tu as, qu'est-ce qu'il t'est arrivé? " Comprenant que mon comportement était jugé comme anormal, je me renfermais doucement, me murant derriere un silence pesant. 

Mais dernièrement, cette obsession m'étant devenue insupportable, j'ai enfin réussi en parler à un médecin : j'ai enfin osé ; j'ai enfin compris. Et j'en ai été soulagée. Je trouve peu à peu des manières plus judicieuses d'occuper mes mains lorsque j'en ressens le besoin. Malgré les remarques, j'ai pris conscience que ma volonté n'est pas à remettre en cause en prenant connaissance de le taille de la population touchée par ce comportement stigmatisé. Je trouve des solutions alternatives à mes agitations anxieuses et m'ouvre de plus en plus. 

Aujourd'hui j'apprends à accepter les marques de cette histoire et à gagner une certaine autonomie. Les traces tendent à s'effacer et je suis heureuse de remarquer que les questions invasives, les commentaire bien-pensants, les regards insistants et les conseils inutiles s'estompent. Je désire bien sûr me libérer de l'illusion encombrante d'un besoin insatiable qui n'appartient qu'à moi ; j'ai hâte me détacher définitivement de cette espèce d'addiction handicapante dont je souffre et qui est tout sauf risible.

Poème :


Ses mains cherchent une voie moins floue, un chemin plus net, peut-être un dessin?
Ses doigts effleurent mon regard, guidé par sa douceur, peut-être à dessein?

Tout ce qu’elle touche se change en or, ses pétales s’étalant sans fin
Une lumière dans mes yeux, éclairés par les reflets de sa joue, comme un trait fin
Comme une note de piano, sur la touche, un rayon
Une étincelle, un soupçon d’espoir aux yeux d’or, irréel
Sa peau, sa mine d’astre, une brèche dans le ciel illuminé, un arc pluriel
Elle croit enfermer l’ombre incertaine, le démon de l’incontrôlable image qui sans cesse revient
Mais dans ce tableau enluminé, j’y vois la plus belle des couleurs qui se propage en va-et- vient

Celle du soleil et de la vie, celle du miel et de la mélodie

Elle s’imagine renfermer le crépuscule, ignore que le déclin est celui de la nuit
Elle ressent l'injuste emprise comme trop forte, veut trouver refuge de ses fantômes gris, fuit
Mais je soupçonne son pur empire de celer des éclats de découvertes puissants qui émerveillent
Je devine les lueurs embrasant de joie qui recèlent sous une peau teinte de vermeil
Ce pinceau dansant sur la délicatesse dont il est le seul à connaître l’itinéraire qui l’embrasse sans bruit
L’œuvre radieuse s’allie à l’artiste qui s’apaise, le geste détache ce qui pèse et nuit

Par le lâcher-prise, la tige de cette frénésie vénéneuse s’étiole 
Par la reconnaissance, la plante envahissante qui la fige s’envole

Elle se tourne vers le jour, grimpante, elle qui sans le savoir irradie de sa chaleur tous les prés, et luit
Se tourne vers l’amour, bouleversant, sans l’espérer réchauffe de sa candeur qui veille
Eclosion d’une source infinie, merci de déverser ta bonté, merci de répandre ta fresque qui éveille
Merci Tournesol, boussole de notre Soleil

©Emma Miletti

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