La Voix


© atraxies

Témoignage :

Tais-toi. Tais-toi. Tais-toi.

Je ne souriais jamais sur les photos. Je n’écoutais aucun enregistrement de ma voix. Je ne disais rien. Je trouvais mes lèvres affreuses. J’estimais mes opinions sans importance ni pertinence.
Je ne suis pas assez. Ma voix me complexe, ma bouche me complexe, mon introversion me complexe : la relation que j’entretiens avec l’expression est complexe.

Vivre dans une société qui frise l’exhibitionnisme m’a rendue encore plus introvertie que je ne l’étais déjà. La timidité ne faisait pas partie de ma nature mais à force de grandir, de sortir du cocon familier qu’est l’enfance, je me suis de plus en plus effacée devant les autres, devant ceux qui prétendent avoir des choses plus importantes à dire que moi. Plus je grandissais, plus j’avais l’impression d’être ennuyante. J’admirais ces personnes ayant naturellement de la prestance. J’enviais ces personnalités que l’on n’oublie pas. J’étais intimidée devant ces individus qu’on ne peut pas manquer lorsqu’ils entrent dans une pièce. Confrontée à une société qui juge chacun de nos faits et gestes, surveille chacune de nos paroles, critique chaque facette de notre physique, j’ai commencé à douter de ma personnalité. Peut-être que ma pensée est moins intéressante, moins valide qu’une autre, et que son expression n'est donc pas légitime ? J’ai cru que ma valeur dépendait de ma capacité à capter l’attention, et elle était nulle. J’étais un sous-être qui devait écouter les autres et ne surtout pas émettre mon avis puisqu’il n’était pas semblable au leur. Je me sentais toute petite et insignifiante, comme invisible. Je pensais que je devais m’effacer pour laisser les autres briller. Je pensais que je devais disparaître pour que les autres puissent mieux paraître.

À chaque fois que je me retrouve confrontée à de nouvelles personnes, la peur me tenaille et je dois me faire violence pour ne pas me cacher dans mon coin et sortir de ma zone de confort, c’est-à-dire entamer une conversation. À chaque fois, je me sens désemparée et j’ai l’impression que je vais perdre mes moyens.
À cause de cette peur, je passe à côté de multiples occasions de faire connaître le fond de ma pensée et de ma personne. Car souvent je préfère porter un masque qui colle parfaitement à ce que la société attend de moi. Pourtant je sais bien que ce masque finira par ne plus me convenir. 

Aujourd’hui, je sens bien que souvent le problème ne vient pas de moi mais simplement du fait que je ne parviens pas à m’exprimer librement et à être moi-même avec certains groupes de personnes. Le problème survient lorsque j’essaie de me conformer à ces groupes. Je me remets totalement en question personnellement, alors que je ne suis simplement pas avec des personnes qui savent m’apprécier à ma juste valeur. Ce qui est problématique, ce n'est pas ma manière d'être et de penser. Ce qui est problématique, c'est que certaines personnes ne savent pas respecter mon introversion ou ma manière de voir les choses qui ne correspond pas à tout le monde. 

Je combats sans cesse ce complexe autour de ma timidité qui se répercute sur ma voix en elle-même et sur ma bouche que je cachais constamment derrière mes mains. 

Aujourd’hui, je suis fière de dire que j’ai réussi à m’affirmer en tant que personne et donc à assumer certaines choses de ma personnalité que je n’appréciais pas mais j’imagine que ce sera toujours un aspect qu’il faudra que je travaille. Je sais maintenant que je suis assez, que ce que j’ai à dire en vaut la peine, il suffit de ne plus prendre en considération l’avis de ceux qui ne peuvent pas m’écouter (plus facile à dire qu’à faire, je l’admets).

C’est difficile de s’exprimer dans un monde terriblement égocentrique car ne pas se faire écouter instaure énormément de doutes en nous, qui n’ont pourtant souvent aucun lien avec notre personnalité. Désormais je m'exprime : je suis assez.

Poème :

Une fleur qui s'ouvre
Et ta dent qui se découvre
J'aime sentir l'haleine de tes idées
J'aime sentir la baleine de tes denrées
La voix de ta pensée, la note de ta présence
J'aime frémir sous le joug de ta prestance
J'aime frémir sous les joues de ta marée
Ta raison aiguisée a tort de s'évader

Chante, chante, vante la vérité et ne te tais pas
Fais résonner en toi ce qui raisonne en moi
Fais sonner la cloche de tes passions
Enclenche le morceau de tes conceptions
En partageant tu nous provoques et nourris
En vivant tu nous choques et fais réfléchir
Fais résonner en moi ce qui raisonne toi
Et ne t'arrête surtout pas

La petite fille a son mot à dire
La petite fille fait peur au loup gris
La petite fille ne nous donne pas le choix
La petite fille se donne le choix

C'est elle, elle est là
Écoute-la, respecte-là

C'est elle, elle est bien là
Entends-là, regarde-là

Elle n'est pas à toi, elle est à elle
Elle n'est pas en toi, elle est en elle
Elle n'est pas sous toi, elle est sur elle

Elle ne se cache plus derrière le bosquet de tes insécurités
Elle ne se cache plus derrière le bouquet de tes fragilités

Elle qui avait construit un piédestal à leur effigie
Elle qui avait batit un projecteur à sa propre régie

Elle ouvre les yeux, elle ouvre la bouche

Enfin elle décide, enfin elle régit

Aujourd'hui, elle dévoile et démontre la réalité

Tes belles paroles
Ta belle puissance
Ta petite prétention

Ne font qu'effleurer la pertinence de ses propos

Elle observe et son regard juste
Son regard vrai
Son regard pur

Est une offrande, un cadeau divin

Pour nos oreilles, nos âmes émerveillées

Sa beauté expressive nous transcende

Ses prises en nous descendent

Je crois vraiment qu'en toi, elle sait voir

Au-delà des mots, au-delà des éclairages

Elle voit et sait comment voir
Elle pense et sait comment panser
Elle est dense et sait comment danser

Elle croît et sans comment croire

Elle émoit, et sait comment être elle

Elle a une voix, et sait comment voir

Atraxies,

Fais voler en éclats le monde
Et l'Univers te remerciera

Expands, expands-toi
Extériorise, répands

Exprime

Fais résonner en nous ce qui raisonne en toi.

©Emma Miletti

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